Gassier, Sennep et les années 30


« La crise française des années Trente vue par Gassier et par Sennep », par Pierre Allorant, Cahiers Daumier n°4 (à paraître), revue publiée par l’association les Amis d’Honoré Daumier.

La crise, ce « moment périlleux et décisif »[1], est revenue à l’automne 2008 au premier plan de l’actualité, et chacun de faire référence au précédent de 1929, à une récession économique mondiale dont on croyait le retour impensable. La « Grande Dépression » du XXe siècle[2], cet effondrement des valeurs boursières et des établissements bancaires américains puis européens, cette crise matérielle est restée inséparable dans la mémoire collective de la remise en cause des valeurs et des régimes démocratiques, de la montée des régimes totalitaires et, pour finir, de la Seconde Guerre mondiale, vingt ans à peine après l’armistice.

Ce sentiment d’une prospérité non menacée, d’une paix durablement établie par le rapprochement avec l’Allemagne, de démocraties parlementaires triomphantes, les Français l’ont largement éprouvé, confortés en cela par l’homme politique le plus brillant de sa génération, André Tardieu, qui croit pouvoir annoncer la prospérité lors de sa déclaration ministérielle du 25 novembre 1929, un mois après le Krach de Wall Street.

La crise globale des années Trente, crise de civilisation, ressentie en France plus tardivement mais plus durablement, correspond également à un moment critique pour la caricature. En effet, dans l’entre-deux-guerres, les dessinateurs ne se veulent plus seulement artistes dans le sens assumé par Forain et ses amis de L’Assiette au beurre. En prise avec l’actualité, les caricaturistes les plus représentatifs revendiquent un statut de journaliste, et au premier rang Gassier à gauche et à droite Sennep, qui définit le dessin comme « une forme aigue du journalisme »[3]. Jean Jacques Charles de Pennès dit Sennep et Henri-Paul Deyveaux-Gassier s’affirment ainsi « exclusivement dessinateurs politiques »[4], précisément au moment où la caricature commence à perdre de l’influence dans la presse, tournant le dos à la caricature de mœurs de certains journaux du XIXe siècle, héritiers des estampes colportées avant 1789. A l’extrême gauche, Gassier, passé avant 1914 par l’Humanité de Jaurès et La Guerre sociale de Gustave Hervé, prend pour cible dès 1917 les parlementaires, se moquant du sens du devoir accompli de l’embusqué « député aux champs »[5]. C’est Gassier qui crée le style de la nouvelle caricature, recentrée sur le dessin politique à charge, inspirant directement Sennep. Gassier prend la tête de l’équipe gouailleuse du Canard enchaîné, moquant la propagande de Clemenceau[6], et encore davantage la censure[7], les poncifs et les mensonges des « bourreurs de crâne » menés par Maurice Barrès, coupables d’entretenir dans leurs illusions criminelles les jusqu’au-boutistes[8]. Communiste en 1920, Gassier se solidarise avec Frossard, ce qui lui vaut d’être exclu par l’Internationale en 1923 ; éliminé de l’Humanité comme élément « trotskiste », Gassier collabore à L’Égalité, journal d’unité socialiste-communiste dont son ami Frossard est directeur politique, ainsi qu’au Cyrano, pendant que Sennep participe au Nouveau Cri, feuille de droite ouvertement antisémite[9]. Refusant toute exclusivité aux grands quotidiens nationaux d’information générale afin de pouvoir continuer à signer dans la presse militante socialiste et ouvrière, Gassier est également de l’aventure du Merle blanc, fondé en 1919 dans l’espoir de concurrencer Le Canard enchaîné, puis au Populaire et à l’Œuvre, organes officiels de la gauche non communiste hostiles à la Chambre « bleu horizon » ; à ce moment, Sennep participe au succès de Candide, dirigé par Joseph Arthème puis par Jean Fayard, imprimé sur le grand format des quotidiens, et dont le tirage passe, grâce à la qualité de ses articles, de 80 000 à 465 000 exemplaires entre le Cartel des gauches et le Front populaire. En 1926, Sennep prend la direction éphémère du Charivari, où avaient brillé avant lui Daumier puis Cham. Gassier retrouve Sennep en 1934 à La Lessive, concurrent « féroce, gai, libre » de ces deux feuilles satiriques, éphémère organe antiparlementaire au paroxysme de la contestation ligueuse. Le mépris à l’égard du personnel parlementaire constitue bien le point de rencontre de ces deux illustrateurs venus d’horizons opposés, mais se retrouvant pour condamner les dérives financières et l’impuissance d’un régime aux gouvernements instables[10]. Tous deux se retrouvent encore dans Paris-Soir qui, pour plaire à tous les publics, invite successivement et parfois simultanément des caricaturistes de sensibilités politiques adverses[11]. Polémiste hostile aux institutions républicaines de 1875, Sennep prend pour cibles favorites, dans ses dessins satiriques délibérément manichéens, les incarnations des partis de gauche et du pacifisme, d’Aristide Briand à Léon Blum[12] de Maurice Thorez à Édouard Herriot[13], alors que Gassier soigne particulièrement avant-guerre Clemenceau[14] et Briand, qu’il juge traîtres à la cause ouvrière, puis dans les années Trente les leaders de la droite française et les dictateurs italien et allemand ; son Pierre Laval, en bougnat madré et sans vergogne, est particulièrement réussi, et la plupart des politiciens apparaissent sous sa plume plus ridicules dans leurs petitesses qu’effrayants, tels de grands enfants égarés sur la scène d’une crise mondiale qui les dépasse, à l’approche d’une guerre qui n’a rien d’un jeu.

Représentants d’une même tendance graphique, Gassier et Sennep incarnent les deux pôles politiques du portrait-charge des ténors politiques de la République des camarades, ce qui donne l’idée à l’éditeur Mana de les réunir pour réaliser une Histoire de France de 1918 à 1938[15]. La préface d’Aurélien Philipp illustre bien l’état d’esprit de cette coopération entre « le sans-culotte Gassier et le poilu Sennep », ces « deux grands artistes venus de bords si différents » qui n’ont pas hésité à collaborer pour conter ces deux décennies, en une moderne incarnation de « la France une et indivisible », la France des râleurs, critiques sur les débats parlementaires[16], la France des « frondeurs, critiques acerbes, éternels mécontents, qu’ils soient de droite ou de gauche, [qui] savent se tendre la main quand un danger commun les menace ». A partir des évènements les plus marquants de chaque année de l’entre-deux-guerres, Gassier et Sennep s’inquiètent des palinodies d’une classe politique aveugle et impuissante face à la renaissance du danger militariste allemand, incompétente et corrompue face à la crise économique institutionnelle et morale de la société française des années Trente.

Fig. 1. Gassier, Doumergue à la T.S.F, 1934

L’impossible retour à l’Union sacrée : la fin de la génération des illusions genevoises

L’esprit de ce recueil ressort de cette caricature irénique de 1934[17] [Fig. 1], au paroxysme de la crise parlementaire : en pleine affaire Stavisky, affaibli d’emblée par l’assassinat de Louis Barthou à Marseille et par la démission consécutive de ses ministres de l’Intérieur et de la Justice, le « sage de Tournefeuille », l’ancien président Gaston Doumergue, a quitté sa retraite pour mixer une drôle de salade, un ministère d’union nationale dans lequel se côtoient Herriot et Tardieu. Mais cette classique « conjonction des centres » à mi-mandat suscite le scepticisme des radicaux, hostiles à toute remise en cause de la prépondérance du Parlement et inquiets de la prétention du président du Conseil à être l’intermédiaire obligé entre la souveraineté populaire et la représentation nationale. La pratique inusitée d’interventions radiodiffusées, pourtant couronnée de succès en Amérique avec Roosevelt, heurte la classe politique, qui voit dans toute personnalisation du pouvoir un retour à Millerand, voire à Mac-Mahon ou à « Badinguet ». Derrière « Gastounet », la chorale de ses ministres ne semble guère à l’unisson, de l’éternel sourire figé d’André Tardieu à la grimace menaçante de Pierre Laval à l’arrière-plan, en passant par le stoïcisme perplexe d’Édouard Herriot. Malgré l’accent chantant du soliste toulousain, le ministère d’union nationale ne semble guère parler d’une même voix, et Gassier paraît mettre en garde le chef du gouvernement contre ses prétendus « amis », de drôles de « compagnons de la chanson »[18] dont les manœuvres devraient, tout au contraire, le convaincre de se faire du souci. A la manière de l’orchestre chantant de Ray Ventura et de ses collégiens dans un tour de chant loufoque au Casino de Paris, Doumergue, en bon « juge de paix de province »[19], transmet à l’opinion le message lénifiant, non pas encore que « tout va très bien », mais qu’indiscutablement, « ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine »[20], puisque « ces petites misères seront passagères, tout cela s’arrangera ». Toutefois, les difficultés et les divisions de son cabinet sur sa demande de trois douzièmes provisoires conduisent Doumergue à démissionner dès le 8 novembre 1934, laissant la place à la tentative de concentration du leader de l’Alliance démocratique, Pierre-Étienne Flandin[21], frêle incarnation d’un « tiers parti » au prix de l’abandon de la réforme de l’État[22].

Fig. 2. Gassier, De quoi se marrer… – Pan, dans le pèlerin de la Paix !, 1932

Ce dessin grinçant de Gassier [Fig. 2] rappelle l’un des plus célèbres de Sennep[23], « Le désarmement moral », dans lequel dès 1924, il se moquait de la naïveté de l’esprit de Genève face aux manœuvres du chancelier de la République de Weimar, Gustav Stresemann. Aristide Briand, apôtre de la mystique de la « sécurité collective »[24], se satisfaisait de faire pousser au pied du poste frontière ses frêles oliviers, pendant qu’en face les petits grenadiers proliféraient[25]. Ce « flirt » entre les deux sempiternels chefs de la diplomatie a semblé culminer en 1926 lors d’un banal déjeuner à Thoiry qui devint le symbole médiatisé de la réconciliation franco-allemande, sous l’égide de la SDN et incarnée par deux hommes d’État de bonne volonté. L’année 1931 marque à l’inverse le déclin de l’esprit de Locarno. La tignasse rebelle du « pèlerin de la paix » n’en est plus à déclarer la « guerre à la guerre » ; elle en est réduite à fleurir la pierre tombale où l’identité du défunt est explicitée par l’inscription mortuaire : « ci-gît Locarno ». A l’heure où la convention douanière de l’Allemagne avec l’Autriche est interprétée par la Cour de La Haye comme un Anschluss commercial illégal, l’intensification de la propagande hitlérienne conduit à édifier la ligne Maginot en fortifiant les frontières de l’Est[26]. Malgré tout, Briand ne renonce pas à sa politique : le pondéré et catholique Docteur Brüning[27] est reçu en grande pompe à Notre-Dame des Victoires, puis Briand et Laval rendent la politesse à leurs hôtes à Berlin, au moment où la proposition américaine de suspendre une année le paiement des dettes de guerre est acceptée. Mais l’année 1932 est doublement fatale à Briand, écarté par Laval qui le remplace au Quai d’Orsay[28], avant que le « président des États-Unis d’Europe » ne s’éteigne, en même temps que les espoirs de désarmement collectif[29]. Avec lui disparaissent deux autres incarnations des espoirs d’une paix durable en Europe : le socialiste Albert Thomas, premier président du Bureau International du Travail, et l’athlétique ministre de la Guerre, l’ancien combattant André Maginot. Antimilitariste d’avant-guerre, Gassier voit dans ces disparitions en série la revanche des canons du Creusot sur l’apôtre de la SDN, à la grande joie de la nouvelle génération beaucoup plus pragmatique qu’idéaliste des Laval et Tardieu, qui semblent entamer la danse rituelle du sentier de la guerre.

Le personnage d’Aristide Briand est loin d’être indifférent à Gassier, puisque son premier grand succès lui est lié : membre de la SFIO dès sa création en 1905, proche de Gustave Hervé, Gassier fait partie des grands admirateurs de Briand, avant que celui-ci, ancien défenseur de la grève générale révolutionnaire, ne trahisse ses idéaux en devenant ministre et en brisant des grèves, devenant dans une célèbre affiche signée Gassier : « le Jaune ».

Fig. 3. Sennep, Notre Fühmer, 1932

Un tandem de caricaturistes engagé contre une République parlementaire déconsidérée

En apparence, 1932 s’ouvre sur une possible consolidation du régime parlementaire, avec la victoire, huit ans après le premier cartel des gauches de 1924[30], d’Édouard Herriot, grand vainqueur de la consultation populaire. Les élections générales consacrent la primauté du parti radical sur la vie politique française, mais surtout la popularité personnelle de son leader. Bien loin des manifestations de force des S.A., dévoués à leur Führer, les pratiques radicales sont ancrées dans les usages républicains, ce qu’illustre ici à la fois la bonhomie naturelle du maire de Lyon[31] et la présence burlesque des pipes croisées en lieu et place de la croix gammée [Fig. 3]. Derrière l’ironie, Sennep, jadis mordant à l’encontre de la « boucherie cartelliste »[32], laisse percer son inquiétude face au fossé croissant entre la montée du péril hitlérien, palpable dans la progression électorale du parti nazi, et l’impéritie de la communauté internationale, qui accorde à l’Allemagne avec indulgence un moratoire de trois ans pour le paiement des réparations, au moment où la conférence du désarmement s’enlise. Dès 1933, Sennep enregistre le basculement du rapport de forces au détriment des conservateurs de la République de Weimar en représentant le vieux maréchal Hindenburg poussé par son jeune chancelier sur une chaise dont les roues ont des croisillons à croix gammées. Quant à Herriot, en dépit d’une popularité préservée et des leçons qu’il a su tirer de son échec financier de 1926, il choisit de quitter la présidence du Conseil, se refusant à ce que la France renie ses engagements financiers à l’égard de l’allié américain. Le côté pathétique du départ d’Herriot, alors même que beaucoup le supplient d’y rester, est dédramatisé par Sennep qui voit dans les pipes du maire de Lyon les nouvelles « Suppliantes », peut-être inquiétantes de la personnalité de ses successeurs.

Fig. 4. Gassier. Le tandem, 1932

Comme lors des compétitions de pistards qui rencontrent alors un grand succès populaire au Vélodrome d’Hiver, le tandem Tardieu-Laval se relaie au pouvoir et domine le début des années Trente [Fig. 4]. Le président Doumergue en est réduit au rôle de starter goguenard, mais on ne sait pour qui son coup de pistolet annonce le dernier tour de piste gouvernemental[33]. A l’arrière-plan, un poursuivant, aussi épuisé que le programme radical qui remonte à l’avant-guerre, semble avoir renoncé à défendre ses chances. Le sourire à l’américaine du « mirobolant » est aux antipodes de la mèche renfrognée de l’auvergnat d’Aubervilliers[34].

Écarté des affaires en février 1932, Laval effectue un retour au gouvernement aux Colonies dans le cabinet Doumergue avant de succéder à Barthou au quai d’Orsay en octobre 1934, puis d’accéder à la présidence du Conseil le 7 juin 1935. Sa popularité, réelle, repose sur un malentendu quant à sa politique étrangère : alors qu’il se présente comme le continuateur de Barthou, ce briandiste écarte totalement le recours à la guerre, et refuse même la constitution d’alliances solides en souvenir de l’engrenage de Sarajevo. A l’inverse, sa politique des « petits pas » et des contacts directs écarte la France de l’alliance anglaise, sans obtenir une véritable alliance avec l’Italie, voire avec l’Union soviétique de Staline[35], incarnant un « néo-pacifisme de droite » philofasciste[36]. Mais c’est bien la politique économique déflationniste, à fondement monétariste, qui va causer la perte du cabinet Laval. Préparées par sa brillante équipe d’experts (Bouthillier, Rueff, Gignoux, Dautry)[37], les mesures drastiques sont insérées à trois trains de décrets-lois qui réduisent les dépenses publiques, en particulier les traitements des fonctionnaires. Or, cette cure sévère restreint la demande sans rétablir la confiance, à quelques mois d’élections législatives périlleuses ; en outre, les « décrets de misère » sont insuffisants pour assainir la situation ou pour redonner une compétitivité à des produits français pénalisés par le niveau du franc, obérant la timide reprise de la fin de l’année 1935[38].

Quant à André Tardieu, il occupe une position inédite sur la scène politique française[39]. Lors de la campagne électorale de 1932, président du conseil sortant, il conduit la majorité et ose intervenir, y compris par des discours radiodiffusés, dans le but de guider le choix de l’opinion tout en dissuadant les radicaux de s’allier aux socialistes[40]. Dénoncé par la presse de gauche comme « l’homme au micro entre les dents », le nouveau général Boulanger[41] qui ose rompre avec le traditionnel émiettement arrondissementier de la campagne, Tardieu échoue à casser la dynamique de la « discipline républicaine » entre les partis de la gauche non communiste. Non seulement il perd la majorité à la Chambre au profit d’un « second Cartel » de fait, mais le petit groupe parlementaire du Centre républicain qu’il constitue ne peut, avec ses 35 députés, dissuader les républicains modérés tels Georges Leygues ou Louis Barthou[42] de poursuivre la formule de concentration avec les radicaux en entrant au gouvernement Herriot, contrariant la logique bipartisane. Cet échec stratégique relance l’activité des ligues antiparlementaires, singulièrement des Croix-de-Feu du colonel de La Rocque[43], qui avaient appelé à voter « national » pour reconduire la majorité Tardieu. Plus profondément, le débat sur la réforme de l’État et la rationalisation du parlementarisme est réactivé : à la suite des réflexions de Carré de Malberg et des propositions de Millerand, Tardieu reprend à son compte le thème de l’élargissement du corps électoral présidentiel, lié à la décentralisation et à la représentation des corps professionnels[44]. Conservateur à l’anglaise, réformiste apôtre d’un « orléanisme à l’américaine », ce grand bourgeois parisien, normalien, spécialiste de politique étrangère, clémenciste, incarne les idées libérales du néo-capitalisme de l’aile modernisatrice du patronat français. Il désire instaurer en France le bipartisme afin d’assurer la stabilité de l’exécutif gouvernemental[45].

En 1936, la démission des ministres radicaux contraint Laval à se retirer du gouvernement, remplacé par Albert Sarraut[46]. Celui-ci forme un cabinet de transition jusqu’aux élections ; à la suite de l’attentat dont est victime Léon Blum, il dissout les ligues. André Tardieu décide de ne pas se représenter à la députation, critiquant les dérives du système parlementaire. Sennep le montre les bras croisés, assis face au Palais Bourbon sur son morceau de travée de l’hémicycle qu’il a emporté pour faire du camping « Sur la pente »[47] : en attendant Léo Lagrange et ses auberges de jeunesse, c’est Hitler qui installe son campement sur la rive gauche du Rhin et peut dire, en une formule à double sens : « Rien ne nous sépare plus de la France ! ». Sennep n’y voit rien de rassurant, le représentant goguenard en train de franchir le rubicond, enjambant allègrement la petite Sarre, avec casque et fusil.

Fig. 5. Sennep, L’Arche de Noé, 1934

1934 est l’année où l’affaire Stavisky[48] éclabousse le personnel politique, en premier lieu radical[49]. Accusé d’avoir tergiversé ou pire, couvert des complices, Camille Chautemps doit démissionner[50] au profit du « taureau du Vaucluse », Édouard Daladier[51], dont l’opinion espère davantage d’autorité. Le congrès radical de Clermont-Ferrand en mai s’ouvre dans une atmosphère délétère, entre les accusations de corruption et les soupçons de menées factieuses à l’encontre de la droite. Dans cette atmosphère à vif, le remplacement brutal du préfet de police Angelo Chiappe, suspecté d’accointances avec l’opposition, précipite l’affrontement. L’émeute du 6 février 1934 dégénère dans la répression sanglante[52]. Trouvant dans ce scandale confirmation à son aversion de toujours envers la République parlementaire, Sennep enregistre la montée des eaux fétides qui en vient même à immerger le président Albert Lebrun, ému aux larmes des événements parisiens [Fig. 5]. Dans un paysage d’inondation où seuls surnagent l’Arc de Triomphe et la Tour Eiffel, l’arche du palais Bourbon sauve quelques spécimens d’espèces menacées : deux bovidés, Herriot et sa pipe et Daladier en taureau, à peine investi par la Chambre, qui hésite à se mettre à l’eau, Blum en serpent, Chautemps en rat musqué, Eugène Frot, député de Montargis, « ministre de l’Intérieur aux mains sanglantes »[53], en bouc (émissaire ?). On attend un sauveur, un homme du recours, qui se manifeste sous les traits inattendus et bonhommes du retraité de Tournefeuille, l’ancien président de la République Gaston Doumergue, spécialiste des inondations depuis son voyage présidentiel compassionnel dans le Sud-Ouest en mars 1930[54]. Sur le même thème, Sennep livre d’autres dessins, toujours accablants pour le personnel politique de la République radicale : Chautemps feint de faire toute la lumière sur l’affaire en accrochant un pauvre lumignon dans une rue parisienne totalement barrée[55] ; et dans une parodie d’un tableau de Delacroix, il montre Daladier et Herriot englués dans l’eau croupie des scandales, sortant péniblement des enfers[56].

Fig. 6. Sennep, Pour rassurer l’épargne, 1936

De la crise financière et économique à la guerre : défiance et désunion

Les questions monétaires et financières occupent une place centrale dans le débat politique de l’entre-deux-guerres, sans commune mesure avec leur cantonnement technique de la Belle Époque. Du leitmotiv lénifiant « l’Allemagne paiera » du ministre Gustave Klotz, moqué par Gassier, au « mur d’argent » dénoncé par Herriot comme cause de l’échec du Cartel, le dilemme budgétaire et l’affaiblissement du franc minent la stabilité de nombreux gouvernements. Depuis 1924, les nombreux cabinets successifs ont vainement tenté de restaurer l’équilibre des comptes publics, en dernier lieu par la déflation avec Laval. Prenant le contre-pied de cette politique restrictive des dépenses, Blum tente d’enclencher le cercle vertueux de la relance par la consommation[57]. Le ministre des finances Vincent Auriol entend revaloriser les salaires modestes, mais cette distribution de pouvoir d’achat suscite la réprobation des détenteurs de capitaux et les doutes des économistes classiques, comme Paul Reynaud, qui annoncent l’inéluctable dévaluation. « Au pesage », la vieille rossinante Léon Blum, étique, semble ployer sous la pourtant faible charge du petit franc Poincaré, à nouveau amputé. Le propriétaire de cette écurie prend conscience que même ce frêle handicap cambre jusqu’à la rupture ce concurrent à bout de souffle. Traduction : tardive, subie, mal maîtrisée, la dévaluation du franc n’est qu’une nouvelle humiliation, un sacrifice qui ne peut suffire à redonner aux produits français une compétitivité. Seule solution ? L’humour. « Pour rassurer l’épargne », Sennep feint de ne plus voir qu’une solution : le retour aux valeurs orléanistes, « enrichissez-vous par le travail et par l’épargne ! » [Fig. 6]. Complétant le tableau de famille, il campe un Blum en nouveau roi-bourgeois, lisant en famille Le Constitutionnel[58] au coin du feu, sous les portraits tutélaires du baron Laffitte et de Monsieur Thiers, avec un Auriol en chapeau melon emprunté, en l’attente des modernes daguerréotypeurs…

Fig. 7. Sennep, La formule Paul Reynaud : « De Marin à Duclos », 1938

Lassé des critiques des communistes, Camille Chautemps[59] démissionne de la présidence du Conseil[60]. Le président de la République Albert Lebrun consulte Léon Blum qui lance l’idée d’une coalition d’union nationale « de Thorez à Reynaud », des communistes à l’alliance démocratique, convaincu que seul un élargissement de la majorité serait à même d’affronter les périls extérieurs[61]. Sennep s’empare du sujet en mettant en scène les opulentes nourrices qui se pressent autour du petit Reynaud, apparemment né coiffé, l’abondante poitrine d’Herriot contrastant avec la maigre capacité nourricière de Blum, sous le regard des deux matrones, le nationaliste Louis Marin[62] et le communiste Jacques Duclos[63], transposition au plan politique du tandem de la caricature Sennep-Gassier, avec à terme la dérive collaborationniste de Ralph Soupault dans le nouveau carnet B des « chevaliers de la 5e colonne »[64] [Fig. 7]. En effet, cette décennie de crise se termine par un accouchement très douloureux, dans le sang et les larmes. En un véritable front renversé, le « nouveau carnet B » de pacifistes suspects à établir ne devrait plus concerner principalement les anarcho-syndicalistes[65], mais des « objecteurs de conscience » bien particuliers, dont le nationalisme s’est dévoyé en pacifisme intégral, par admiration de la force virile des dictatures de l’Axe et par détestation d’un Front Populaire jugé belliciste et pro-soviétique [Fig. 8]. Refusant de mourir pour les Sudètes puis pour Dantzig, Doriot, Daudet, Maurras, Déat menacent beaucoup plus gravement l’unité nationale que les pacifistes de 1914, qui s’étaient résolus à l’union sacrée par conviction de mener une guerre du droit contre l’agression germanique. Gassier est sans doute le mieux placé, de par sa trajectoire personnelle, pour apprécier l’ampleur cocasse de la dérive idéologique : l’ancien partisan de la Commune libre de Montmartre, le compagnon de Steinlen et de Poulbot, de Picasso et de Max Jacob, l’opposant minoritaire à l’Union sacrée, le « Reconstructeur » signataire de la motion d’adhésion à la IIIe Internationale avait tout pour figurer dans les listes de suspects du premier carnet B, vite remisé comme inutile par le ministre de l’Intérieur Louis Malvy lors de la mobilisation de 1914.

Fig. 8. Gassier, Le nouveau carnet B., 1938

Publié à la fin de l’année 1938, cette « Histoire de France de 1918 à 1938 » apparaît bien comme le fruit bien amer d’un contexte particulier, celui du retour à une époque d’unanimité nationale face à la montée des périls ; c’est un geste politique caractéristique du « moment Daladier »[66], un sursaut de deux polémistes « fatigués de haïr », mais l’image qui ressort de ce tableau est peu rassurante, aussi bien sur l’état de santé de la démocratie française que sur la situation internationale : comment interpréter autrement le fait que ce recueil se ferme sur une caricature de Gassier montrant à la frontière du Brenner Mussolini cirer les bottes d’Hitler, avant son entrée triomphale à Vienne ? L’Anschluss amène ce commentaire final, en forme d’accusation envers une classe politique française inconséquente, redevable envers les anciens combattants : « 1938 ! Que reste-t-il de notre Victoire de 1918 ! »

En ce moment dramatique, les controverses sur les mérites du traité de Versailles semblent appartenir à un passé lointain, tant la crise française des années Trente apparaît inséparable des conséquences de la saignée de 14-18, des illusions dangereuses d’une victoire acquise à un prix humain exorbitant. Les deux plus grands caricaturistes français ne semblent pas avoir pris la mesure du changement de nature du conflit à venir, représentant Mussolini et Hitler comme de grands enfants mégalomaniaques ou des fous ridicules, le « peintre en bâtiment » à la gâchette facile[67] et le Duce qui se prend pour « Dieu le père »[68], à tout prendre plus grotesques qu’effrayants. L’époque marque ainsi également une crise de la pertinence politique de la caricature, évolution placée entre parenthèses par la mise sous le boisseau de la liberté de la presse sous le régime de Vichy. Si les tracts distribués par les mouvements de Résistance utilisent ce vecteur, le message semble mieux relayé par l’humour radiophonique à la Pierre Dac ou, au service de l’État milicien, par les diatribes haineuses de Philippe Henriot, avant que les illustrateurs ne retrouvent une place essentielle à la Libération à travers l’affiche[69].

Chroniqueur à l’Action française, illustrateur de trois ouvrages de Léon Daudet[70], ancien collaborateur en 1931 de l’hebdomadaire lancé par le chansonnier d’extrême droite Martini, Le Coup de patte, Sennep qui avait naturellement salué l’avènement d’un régime aussi antiparlementaire qu’anticommuniste, déchante dès 1941, caricaturant Laval et Pétain pour mieux admirer de Gaulle[71], quand Gassier dénonce immédiatement le régime en illustrant le « carnet de la trahison »[72].

Après la Libération, Sennep devient le dessinateur attitré du Figaro, tournant en ridicule les caciques de la Quatrième République[73], ne cédant sa place qu’en 1967 à Jacques Faizant qui le considère, avec Gassier et Effel, comme son maître[74]. Quant à Gassier, retiré dans sa propriété de La Seyne en 1940, surveillé par la police en tant que communiste, il ne s’adresse à Pierre Laval que pour lui transmettre une requête en faveur de Jacques Sadoul. Se refusant à toute participation à une presse aux ordres, il se cantonne à fournir de rares dessins à Lectures pour tous. A la Libération, à nouveau adhérent au PCF, il est dessinateur à L’Humanité, à Action et aux Lettres françaises, participant à la campagne électorale de son ami de toujours, Marcel Cachin, à la veille de sa mort en 1951[75].

Mais la Seconde Guerre mondiale semble sonner le glas de la caricature comme mode d’expression politique, la réduisant à une illustration, parfois truculente avec Dubout, de l’information par des personnages-types. Paradoxalement, alors que le seul point commun de Gassier et de Sennep est sans doute leur mépris convergent envers le régime d’assemblée aux gouvernements instables, l’influence de la caricature politique apparaît intimement liée à la République parlementaire, de même que, plus globalement, le poids de la presse écrite dans la vie politique française. De sorte que la crise du modèle politique français n’épargne pas le dessin de presse. Avec la République gaullienne, la caricature va devoir quitter la chronique parlementaire pour renouer avec celle de « la Cour. Chronique du royaume »[76].



[1] Paul-Émile Littré, Dictionnaire encyclopédique, Paris, Librairie Hachette et Compagnie, 1876, p. 1339.

[2] Jacques Néré, La crise de 1929, Paris, A. Colin, collection U 2, 1968, 220 p. Julian JACKSON, The Politic of Depression in France, 1932-1936, Cambridge University Press, 1985.

[3] Mission Wolinski, Rapport sur la promotion et la conservation du dessin de presse, Paris, Journal Officiel, 2007, 50 p., p. 6.

[4] Jacques Lethève, La caricature et la presse sous la Troisième République, Paris, Armand Colin, Kiosque, 1961, p. 221.

[5] Le Journal du peuple du 4 août 1917.

[6] « Le communiqué de la Semaine », Le Canard enchaîné, 1918.

[7] Françoise Navet-Bouron Censure et dessin de presse en France pendant la Grande guerre, Thèse de doctorat d’histoire Paris I, 1997. 3 volumes.

[8] « Alors ça finirait comme ça ? – Quoi ? Déjà ? », dialogue d’un couple de lecteurs de La Victoire brossé par Gassier dans Le Canard enchaîné du 16 octobre 1918.

[9] Christian Delporte, Dessinateurs de presse et dessin politique en France des années 1920 à la libération, Thèse d’histoire du XXe siècle sous la direction de René Rémond, Paris, IEP, 1991 et Christian Delporte, Ursula Koch, « De Gassier à Grosz. Le souffle de la modernité dans le dessin de presse » in Gervereau Laurent, Neyer Hans Joachim, Robert Franck (dir.), La Course au Moderne. France et Allemagne dans l’Europe des Années Vingt 1919-1933, Paris, BDIC, 1992, p. 110-115.

[10] Le 8 février 1934, Sennep publie dans Candide un dessin assimilant la Chambre des Députés à un tas de fumier ; dans Le Rire du 10 mars, les leaders de gauche jettent à pleines mains le sang des manifestants du haut du pont de la Concorde.

[11] Ainsi le 2 juin 1936, Sennep caricature les députés de gauche, qui vendent à la criée la liste des deux cents familles, quand sur la page opposée, Gassier montre les députés de droite proposant la « liste complète de députés francs-maçons ».

[12] Christian Delporte, « Léon Blum dans la caricature », Les Cahiers Léon Blum, déc. 1991, p. 7-40.

[13] « Ce qui rattache Sennep aux nouvelles formes de l’humour, ce sont les variations d’une fantaisie dont il n’existe avant lui que des exemples limités. Il transforme ses personnages en animaux, voire en objets, faisant du gros Herriot un fauteuil capitonné, du maigre Blum une enseigne ou un cheval […] Avec un goût prononcé pour les maisons d’illusions et les lits où attendent de belles favorites, il arrive à transposer dans cette perspective particulière tout le personnel politique de la Troisième République. » Jacques LETHÈVE, La caricature et la presse sous la Troisième République, Paris, Armand Colin, Kiosque, 1961, p. 231-232.

[14] L’Humanité, 22 juillet 1909, Dessin de HP Gassier, « La fin d’une dictature », la Chute du ministère Clemenceau, mis en minorité à la Chambre des députés.

[15] Henri-Paul Gassier et Jean Sennep, Histoire de France de 1918 à 1938, Paris, Éditions Mana, 1938, n. p.

[16] Octave Aubert, Le moulin parlementaire. Plus de son que de farine, Paris, Quillet, 1933, illustrations de H.-P. Gassier.

[17] En 1934, les Français possèdent deux millions de postes récepteurs de radio. André-Jean Tudesq, « Les rapports de la presse et de la radio en France entre les deux guerres mondiales », Bulletin de la Société d’histoire moderne, n° 3, 1973. Sur l’histoire de ce média, voir Jean-Noël Jeanneney, Une histoire des médias des origines à nos jours, Paris, Seuil, Points-Histoire, 1992 et Cécile Méadel, Histoire de la radio des années trente : du sans-filiste à l’auditeur préface de Jean-Noël Jeanneney, Paris, Anthropos, Institut national de l’audiovisuel, 1994.

[18] Ce groupe ne se forme qu’en 1941, quelques années avant celui des « Frères Jacques » en 1948.

[19] Formule de René Viviani, citée par Jean Rives, Gaston Doumergue. Du modèle républicain au sauveur suprême, IEP Toulouse, 1992.

[20] « Dans la vie faut pas s’en faire », paroles A.Willemetz, musique H.Christiné, 1934 ; interprété par Maurice Chevalier, Albert Préjean, Andrex et Jean Sablon. 

[21] Donald G. Wileman, « Pierre-Étienne Flandin and the Alliance démocratique » (1929-1939) », French History, 4, 2, juin 1990, p. 139-173.

[22] Nicolas Rousselier, « Gouvernement et Parlement dans la France de l’entre-deux-guerres », in Möller Hans, Kittel Manfred, Demokratie in Deutschland und Frankreich, 1918-1933/1940, München, Oldenbourg, collection « Quellen und Darstellungen zur Zeitgeschichte Bd. 59 », 2002.

[23] Christian Delporte, « On ne se relève pas d’un dessin de Sennep, L’Histoire, avril 1992, p. 60-63.

[24] Achille Élisha, Aristide Briand, la paix mondiale et l’union européenne, Paris, éditions Ivoire-Clair, 2000, et Jacques Bariéty, Aristide Briand, la Société des Nations et l’Europe : 1919-1932, PU Strasbourg, 2007.

[25] Christian Delporte, « L’Image, un outil d’approche du pacifisme (1919-1939). L’exemple du dessin de presse », Revue historique, juil. sept. 1992, p. 119-155.

[26] Maurice Vaisse, Sécurité d’abord. La politique française en matière de désarmement, 9 décembre 1930-13 avril 1934, Paris, Éditions Pédone, 1981.

[27] Wladimir d’Ormesson, Brüning et Hitler, Paris, Nouvelle école de la Paix, 1931.

[28] Gassier s’empare de ce thème en montrant la joyeuse collusion de Laval et Tardieu, enfin débarrassé de l’encombrant pèlerin, parti avec son bâton prêcher dans d’autres cieux : « De quoi se marrer…Pan, dans le pèlerin de la Paix ! » (1932).

[29] Jacques Bariéty, Les relations franco-allemandes après la Première guerre mondiale : 10 novembre 1918-10 janvier 1925, de l’exécution à la négociation, Paris, Pédone, 1977 et Pierre MIQUEL, L’opinion française et le traité de Versailles, Paris, Flammarion.

[30] Jean-Noël Jeanneney, Leçon d’histoire pour une gauche au pouvoir. La faillite du Cartel, 1924-1926, Paris, Seuil, 1977.

[31] Michel Soulié, La vie politique d’Édouard Herriot, Paris, A. Colin, 1962, et Serge Berstein, Édouard Herriot ou la République en personne, Paris, FNSP, 1985.

[32] Jean Sennep, A l’Abattoir… les cartellistes!! album-souvenir des Élections de 1928, Paris, éditions Bossard, 1928, Édition sur véritable papier de boucherie.

[33] Ou bien si Gassier rappelle ici l’assassinat de Paul Doumer, remplacé par Albert Lebrun selon une sorte d’« avancement hiérarchique » coutumier, le président du Sénat accédant à nouveau à l’Élysée.

[34] Fred Kupferman, Pierre Laval, Paris, Balland, 1987.

[35] Voir le dessin « Affaires étrangères et élections municipales » dans lequel Gassier place Staline et Laval au grand opéra de Moscou, le maire d’Aubervilliers s’autorisant à demander au petit père des peuples de venir entonner la Marseillaise au théâtre municipal de sa commune de banlieue.

[36] Voir en particulier la pétition préparée par le maurrassien Henri Massis, « Pour la défense de l’Occident », hostile à toute sanction contre Mussolini. Jean-François Sirinelli, Intellectuels et passions françaises. Manifestes et pétitions au XXe siècle, Paris, Fayard, 1990.

[37] Rémi Baudoui, Raoul Dautry, le technocrate de la République, Paris, Balland, 1992, et Gérard BRUN, Technocrates et technocratie en France (1918-1945), Paris, Albatros, 1985.

[38] Michel Margairaz, L’État, les finances et l’économie, 1932-1952, Paris, Comité pour l’histoire économique de la France, tome 1, 1991.

[39] François Monnet, Refaire la République : André Tardieu, une dérive réactionnaire, Paris, Fayard, 1993.

[40] Charles Seignobos, « Le sens des élections françaises de 1932 », L’Année politique française et étrangère, novembre 1932, p. 273-290.

[41] Frédéric Monier, Le complot dans la République, stratégies du secret de Boulanger à la Cagoule, Paris, La Découverte, collection « L’Espace de l’Histoire », 1998.

[42] Jean Bousquet-Mélou, Louis Barthou et la circonscription d’Oloron (1889-1914), Paris, Pedone, 1972.

[43] Jacques Nobecourt, Le colonel de La Rocque, 1885-1946 ou les pièges du nationalisme chrétien, Paris, Fayard, 1996. Sur les Croix de feu et le PSF, Kevin Passmore, « Boy scouting for grown-ups ? Paramilitarism in the Croix de Feu and the Parti social Français », French Historical Studies, vol. 19, n° 2, 1995, p. 527-557. William D. Irvine, « Fascism in France and the strange case of the Croix de Feu », The Journal of Modern History, vol. 63, n° 2, juin 1991.

[44] Sur les prémisses de cette réflexion, voir Charles Benoist, La Réforme parlementaire, Paris, Plon, 1902.

[45] André Tardieu, L’Heure de la décision, Paris, Flammarion, 1934, et La Révolution à refaire, tome I, Le souverain captif, Paris, Flammarion, 1936, et tome II, La profession parlementaire, Paris, Flammarion, 1937.

[46] Sur l’influence des frères Sarraut au sein du parti radical, voir Henri Lerner, « La Dépêche », journal de la démocratie, publications de l’Université de Toulouse, 2 volumes, 1978, et Serge Berstein, Histoire du parti radical, Paris, Presses de la FNSP, tome 1 : La recherche de l’âge d’or, 1980, et tome 2 : Crise du radicalisme, 1982.

[47] André Tardieu, Sur la pente, Paris, Flammarion, 1935.

[48] Voir en dernier lieu, Paul Jankowski, Cette vilaine affaire Stavisky. Histoire d’un scandale politique, Paris, Fayard, 2000.

[49] Ernest Lafont, Rapport général fait au nom de la commission d’enquête chargée de rechercher toutes les responsabilités politiques et administratives encourues depuis l’origine des affaires Stavisky, Paris, Imprimerie de la chambre des députés, 1935, 7 volumes.

[50] Camille Chautemps, La vérité sur l’affaire Stavisky, Paris, Comité exécutif, 1936.

[51] Élisabeth du Réau, Édouard Daladier, 1884-1970, Paris, Fayard, 1993.

[52] Serge Berstein, Le 6 février 1934, Paris, Gallimard Julliard, collection « Archives », 1975.

[53] Roland Vouette, « 6 février 1934, Montargis dans la tourmente », Bulletin de la Société d’Émulation n° 126, 2004 et Jean Goueffon, « Un leader mal connu de la 3e République, Eugène Frot », L’Information Historique, n° 1, 1978.

[54] Dominique Versavel, Les voyages présidentiels dans la France de l’entre-deux-guerres : rôles et images des chefs de l’Etat de 1918 à 1940, thèse d’histoire et « Le voyage de Gaston Doumergue dans le Sud-Ouest inondé », Arkheia, revue d’histoire. Histoire, mémoire du XXe siècle en Sud-Ouest, n° 4, 2001.

[55] « La Lumière », L’Écho de Paris du 19 janvier 1934.

[56] « Dante et Virgile aux enfers », Candide du 1er février 1834.

[57] Olivier Dard, « Économie et économistes des années trente aux années cinquante : un tournant keynésien ? », Historiens et géographes, n° 361, mars-avril 1998, p. 173-196.

[58] Le Constitutionnel est un quotidien politique fondé à Paris pendant les Cent-Jours par Fouché sous le titre L’Indépendant. Organe de ralliement des libéraux sous la Restauration des Bonapartistes, et des anticléricaux, il est supprimé cinq fois et reparaît à chaque fois sous des titres différents. Premier quotidien français devant le Journal des débats en 1830, il tire alors à 20 000 exemplaires, Adolphe Thiers étant rédacteur en chef. En 1848, il joue un rôle capital dans l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte et devient l’un des principaux journaux gouvernementaux du Second Empire, avant de décliner à partir de 1880 et de cesser sa parution en 1914.

[59] Fondateur en 1921 avec Painlevé de la Ligue de la République, Chautemps est ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Herriot en 1924 ; en 1930, il tente en vain de conduire un cabinet de concentration. Dans le « second cartel », il retrouve le portefeuille de l’Intérieur, de juin 1932 à sa démission le 28 janvier 1934. Ministre d’État auprès de Léon Blum pour représenter le parti radical, Chautemps remplace le leader socialiste à la présidence du conseil le 22 juin 1937, puis à nouveau le 18 janvier 1938 ; il démissionne dès le 10 mars, prenant acte du refus socialiste de lui accorder les pleins pouvoirs financiers, au moment où Hitler réalise l’Anschluss. Dans le gouvernement Daladier de concentration, il est vice-président chargé de la coordination des services à la présidence du conseil. Lors du conseil des ministres du 15 juin 1940, Chautemps propose d’informer l’Angleterre de la demande à l’Allemagne des conditions d’armistice, puis il est ministre d’État et vice-président dans le gouvernement Pétain. Guy Bourdé, La défaite du Front populaire, Paris, Maspero, La Découverte, Bibliothèque socialiste, 1977 et Jules Jeanneney, Journal politique (septembre 1939-juillet 1942), édition critique par Jean-Noël Jeanneney, Paris, Colin, 1972.

[60] Le 14 janvier 1938, Chautemps est pris à partie sur la politique sociale du gouvernement ; il saisit cette opportunité de rompre la coalition : « M. Ramette réclame sa liberté : il a parfaitement le droit de la demander, quant à moi, je la lui donne. » Jean-Marie Mayeur, La vie politique sous la Troisième République (1870-1940), Paris, Seuil, Points Histoire, 1984, p. 357.

[61] Georges Dupeux, « L’échec du premier gouvernement Léon Blum », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1963, 1.

[62] Voir Jean Vavasseur-Desperriers, Culture, structures, stratégie d’une organisation de la droite parlementaire entre les deux guerres : la Fédération républicaine de 1919 à 1940, thèse d’histoire Lille III, 1999.

[63] Sur les évolutions du parti communiste, voir Philippe Robrieux, Maurice Thorez. Vie secrète et vie publique, Paris, Fayard, 1977 et du même Histoire intérieure du parti communiste, tome I, 1920-1945, Paris, Fayard, 1980.

[64] Gassier voit dans la menace d’effondrement de la France républicaine le sacre du roi des Belges, « chevalier de la 5e colonne » adoubé par le Führer. La Lumière, 31 mai 1940.

[65] Jean-Jacques Becker, Le carnet B, Paris, Klincksieck. et Jean-Jacques Becker, 1914. Comment les Français sont rentrés dans la guerre, Paris, Presses de la FNSP, 1977.

[66] Jacques Bourdin (sous la direction de), Édouard Daladier chef de gouvernement, avril 1938-septembre 1939, Fondation nationale des sciences politiques, 1977.

[67] Dessin de Sennep au lendemain de la nuit des longs couteaux, Candide du 2 août 1934.

[68] Caricature de Gassier en 1937 au moment de la signature à Rome du pacte anticommuniste par les membres de l’Axe Berlin-Rome-Tokyo.

[69] Jean-Pierre Azéma et Olivier Wieviorka, Les libérations de la France, Paris, Éditions de la Martinière, 1993, et Stéphane Marchetti, Affiches 1939-1945. Images d’une certaine France, Paris, Édita Lazarus, 1982.

[70] Le voyou de passage. Aristide Briand, Le nain de Lorraine. Poincaré et Le garde des sceaux.

[72] De Montoire au 13 décembre par un témoin, Le Carnet de la trahison, T. III, Paris, librairie des sciences et des arts, 1945, illustrations de Gassier.

[73]Jean Sennep, De Vincent à René, Paris, Laffont, 1954. n.p. ill.

[74] « Travailler avec Sennep ! Mon père admirait déjà ces dessins nerveux qui mordaient. Il les découpait et les conservait dans son portefeuille pour les montrer. Moi j’étais encore un petit garçon qui apprenait à lire. Cartel des gauches ». Pierre MACAIGNE et Jean SENNEP, Le Tour du monde en 80 visas, Paris, P.Horay, 1959, p. 23.

[75] H. P. Gassier par lui-même, Édit. Léon Ullmann, Paris, 1930.

[76] Dessin de Moisan, chronique publiée dans Le Canard enchaîné puis en volumes chez Julliard. Voir Jacques Lamalle, Laurent Martin, Patrice Lestrohan et Frédéric Pagès, Le Canard enchaîné. La Ve République en 2 000 dessins, Éditions les Arènes, 2008.